Jeudi 28 février, l'Organisation mondiale de la santé a publié une "évaluation exhaustive d'experts internationaux sur les risques pour la santé de la catastrophe survenue à la centrale nucléaire de Fukushima (1) (Japon)".
"Les risques prévus sont faibles pour l'ensemble de la population à l'intérieur et à l'extérieur du Japon", estime l'OMS, précisant "toutefois que le risque estimé pour certains cancers a augmenté dans des catégories données de la population de la préfecture de Fukushima, et demande par conséquent que ces personnes fassent à long terme l'objet d'un suivi continu et de contrôles de leur état de santé".
Risque légèrement accru dans la zone la plus contaminée
Ce rapport confirme les grandes lignes du précédent rapport sur l'évaluation préliminaire des doses de radiation reçues par les populations suite à la catastrophe de Fukushima (2) , publié par l'OMS en mai 2012. Ce document indiquait que les doses reçues par les populations sont faibles et en-deçà des normes admises.
Ainsi, pour les personnes situées dans la zone la plus contaminée, l'augmentation des risques estimés par rapport à ce qui serait normalement attendu est de 70% au maximum pour le cancer de la thyroïde, chez les nourrissons de sexe féminin. Il s'agit là du risque le plus important, selon l'OMS. Ces mêmes sujets présentent un risque en hausse d'environ 6% pour le cancer du sein et d'environ 4% pour l'ensemble des cancers solides. Tandis que les nourrissons de sexe masculin présentent une augmentation du risque de l'ordre de 7% pour la leucémie.
"Le risque de cancer est majoré pour les personnes situées dans les zones les plus contaminées", a synthétisé le docteur Maria Neira, directrice du département de l'OMS Santé publique et environnement.
Quid des travailleurs ?
Concernant les travailleurs, l'OMS "estime que, parmi les travailleurs d'urgence de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, il y a une augmentation des risques vie entière (3) pour la leucémie, le cancer de la thyroïde et l'ensemble des cancers solides par rapport aux taux de référence". Les travailleurs concernés par ce risque majoré représentent environ un tiers du total des personnels intervenus sur le site.
Reste que cette évaluation des risques supportés par les travailleurs s'appuie sur des estimations réalisées sur la base de scénarios d'exposition aux rayonnements. En effet, Tepco qui opère la centrale de Fukushima n'a pas encore remis à l'entité publique compétente les données sur les doses de rayonnements auxquelles ont été exposés quelque 20.000 travailleurs du complexe atomique ravagé, rapporte l'AFP, citant les médias japonais. La communication des données n'est en effet pas obligatoire et Tepco a justifié l'absence de rapport depuis la catastrophe de 2011 par la difficulté de récupérer les données à partir d'ordinateurs endommagés par le tsunami.
Cette absence de suivi rigoureux des travailleurs avait déjà été soulignée il y a un an par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). L'absence d'informations fiables "rend la situation beaucoup plus compliquée", avait déploré Jean-René Jourdain, adjoint à la directrice de la protection de l'homme de l'IRSN, précisant que les données "ne peuvent pas être qualifiées de sincères, faute de résultats publics". Une situation particulièrement préoccupante s'agissant de l'exposition des travailleurs au cours des premiers jours, alors qu'ils n'étaient pas équipés de dosimètres individuels.
Tokyo et Greenpeace critiquent le rapport
Sans grande surprise, ce rapport ne satisfait ni les autorités japonaises, ni les défenseurs de l'environnement.
Du côté du gouvernement japonais, la contestation porte sur l'annonce d'une hausse des risques de cancer à proximité de la centrale de Fukushima, rapporte l'AFP. "Ces calculs [faisant apparaitre un risque sanitaire] ont été basés sur l'hypothèse que les gens ont continué de vivre dans cette zone et de manger de la nourriture interdite", a expliqué à l'AFP un responsable du ministère de l'Environnement, ajoutant que "ce n'est pas le cas". Rappelant la polémique sur l'exposition à long terme à de faibles doses radioactives, le ministère japonais considère qu'"il est erroné de croire que les résidents proches de la centrale vont développer des cancers dans ces proportions".
Côté ONG, Greenpeace juge au contraire que "le rapport sous-estime honteusement l'impact des premières radiations de la catastrophe de Fukushima sur les personnes présentes à l'intérieur de la zone d'évacuation d'un rayon de 20 kilomètres, et qui n'ont pas été capables de partir rapidement", rapporte l'AFP. Pour l'association, "ce rapport est à considérer comme une déclaration politique pour protéger l'industrie nucléaire et non pas comme un travail scientifique axé sur la santé des personnes".